Et si je le décidais ...
"Et si je décidais de ne pas continuer, il faudrait que j'écrive le
nom de mon partenaire à l'encre noire sur un papier blanc, que
j'enroulle ensuite le papier pour le mettre dans une bouteille, que je
scelle la bouteille à la cire noire et que je l'enterre à un endroit où
je sache ne plus devoir jamais retourner. De cette façon,
m'expliquait-il, liaison et amour passeraient à la femme blonde car il
n'y avait pas de meilleur sortilège, pour qui veut se libérer d'une
relation qui lui pèse, que de la transférer à un tiers.
A ma grande
surprise, il m'avait dit, naturellement avec d'autres mots et d'autres
métaphores, la même chose que le professeur ... quand il m'avait assuré
que les maltraitants sont des codépendants, qui ont besoin d'une
victime, de quelqu'un à humilier pour se sentir plus forts et compenser
leur complexe d'infériorité. C'est pourquoi ils ne peuvent rester
seuls. Et c'est pourquoi ils ne lâchent jamais leur proie avant d'en
avoir trouvé une autre.
... Je me rachèterai à mes propres yeux comme aux siens et à ceux du monde, et cesserais d'être la méchante femme qu'il m'accusait d'être, que je croyais être et pour laquelle me prennaient beaucoup de nos nos amis communs, qui croyaient toujours ce qu'il leur racontait, transformé en un océan de larmes, lorsqu'il les rencontrait devant un verre. Et si ces amis prenaient résolument parti pour l'offenseur, c'était pour se convaincre eux-même qu'en réalité, il n'y avait dans cette affaire ni offenseur ni offensée, mais beaucoup de cinéma, et qu'ils n'avaient donc pas à intervenir. Et je m'étais à ce point pénétrée de cette image de moi-même que j'en avais oublié qui j'étais vraiment, et qu'il ne me restait rien d'autre à faire étant donné que je ne m'aimais plus, que de me saborder. Une fois de plus, je perpétuais le même vieux schéma : deux personnes en une et qui se font face."
Il y a toujours un roman de Lucia Etxebarria dans mes lectures d'été.
J'ai
choisit ce passage parce qu'il marque un point précis de ma vie, et que
je viens d'enterrer ma bouteille en pensant à la jolie blonde à qui je viens de passer le relais.
Et
comme dans le texte, je le fait sur un "beau" geste, comme on dirait en
tragédie, rempli de l'amour que j'ai à nouveau envie de me donner à moi même.
Le livre parle de bien autre chose, une lettre à sa fille qu'elle
écrit à sa naissance, et que je regrette de n'avoir pu lire lorsque
j'étais une très jeune femme. Elle a toujours les mots justes pour
décire nos doutes et nos certititude, le yin et le yang.
Je n'avais pas particulièrement envie d'aborder
ce sujet, pour lequel je n'ai pas précisément d'intérêt en cette
période de ma vie, je l'ai donc depuis un moment, mais c'est un
Etxebarria, cela a suffit à me décider.
Et je lis ce passage juste aujourd'hui. C'est exactement ce que j'aurai écrit, si j'avais les mots pour le dire.
Si ce n'est pas une concidence ça ! ;)